Mission Yolande, Michèle, Patrice et Yves

 

 

18 10 17 : arrivée à Antananarivo (raccourci : Tana) ; il est 4H45 ; nous sommes 2 couples : Patrice (Pat), vice-président d’Avenir Partage Madagascar, et sa femme Yolande (Yo), Yves et moi. Nous sortons de l’avion, directement sur la piste, il fait nuit, même si l’on sent que le jour va se lever bientôt, il ne fait pas froid (18 °). Nous sommes fatigués du voyage car nous sommes partis de notre domicile à 8 h du matin la veille et n’avons quasiment pas dormi dans l’avion, nous découvrons nos premiers insectes exotiques : un énorme papillon de nuit qui a dû se cogner contre les vitres de l’aéroport, et un genre de sauterelle/phasme. Une bonne heure d’attente au guichet des visas tenu par 2 agents, on récupère nos valises et en sortant à l’air libre, on retrouve Claire (responsable d’ APM Mada) et Nathalie (son adjointe, chargée de l’éducation) : embrassades chaleureuses (nous ne nous connaissions que par Skype !!!!) et direction siège d’APM chez Claire dans le quartier Marohoho. Il fait plein jour et il est 6 heures du matin.

 

Pendant le trajet, dépaysement total, nous sommes dans un mini bus qui se fraie un chemin à petits coups de klaxon, nous progressons, les yeux grand ouverts à essayer d’en voir le maximum et il y a à voir : des jacarandas (grands arbres) et leurs fleurs bleu-mauve, mon 1er zébu « en vrai » !!!!! (c’est là seulement que j’ai réalisé que j’étais à Madagascar !!!!),  des cactus grands comme ça !!!, de l’épine du Christ qui pousse comme du chiendent, du monde partout, des hommes qui tirent en courant une carriole (genre pousse-pousse mais pas pour le transport des marchandises), des tas de briques qui viennent d’être cuites et qui attendent le client, bien sûr des arbres du voyageur, des murs avec le plus souvent des publicités en français, au texte un peu désuet, des 4L beige clair et des « deudeuches » qui servent de taxi (le beige clair est la couleur des taxis), des groupes de gens qui poussent dans la montée une carriole pleine de briques, (ils ont enlevé et jeté en haut du chargement leurs tongs pour ne pas glisser) et partout du monde, à pied, et en minibus, quelques vieilles voitures françaises des années passées et puis des 4x4 astiqués comme un sou neuf ; sur les bords de la route de nombreux vendeurs avec ou sans petite cabane qui vendent de tout, et en très petite quantité parfois : de la nourriture cuite, des fruits et légumes crus, des petits objets de toute sorte, de la fripe ; ils n’ont parfois qu’un petit tissu à même le sol avec une dizaine de fruits à vendre. Les gens sont habillés du très pauvre au jeune cadre dynamique, pour les pieds, idem, cela va des pieds nus aux chaussures « européennes ». Il n’y a pas de trottoir, le bord de route n’est pas entretenu, ni égal

 

Quand enfin nous nous arrêtons à l’entrée du quartier Marohoho où nous allons habiter, nous laissons le mini-bus sur le bord de la route et Claire va demander à des jeunes du quartier de porter les valises à nos domiciles respectifs : chez Claire pour Pat et Yo, chez Toky pour nous. Nous qui nous sommes épuisés à traîner à bout de bras nos 8 valises du taxi au train, puis au 2ème train, puis à la navette, puis à l’aéroport , enfin au sortir de l’aéroport, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, nous les voyons, petits papillons de couleur, s’envoler légers comme des plumes sur la tête des jeunes qui, chargés et claquettes aux pieds, progressent plus vite que nous avec nos pieds « baskettés »

 

Dans les petites ruelles tortueuses et étroites, des constructions avec des toits en tôle avec parfois en renfoncement une petite échoppe d’1 ou 2 m2 où l’on vend de la nourriture cuite ou non, différents riz, des morceaux de pin résineux pour allumer le feu, du charbon de bois, des vêtements d’occasion ... Les marchands se sont levés à 3 heures du matin pour préparer la nourriture qu’ils vendent cuite ensuite.

 

Enfin nous arrivons chez Claire où viennent des membres d’APM qui nous souhaitent la bienvenue. A de nombreux autres moments, on nous souhaitera la bienvenue, une attention qui nous touchera chaque fois. Alors que nous prenons le café et au milieu des embrassades, Nathalie et Claire nous avaient préparé une surprise : Francia, dont Patrice et Yolande parrainent l’éducation dans le cadre d’APM, et Daurius, que Yves et moi parrainons, viennent nous dire bonjour ; nous qui ne nous attendions à faire leur connaissance que dans quelques jours, nous sommes sidérés, l’émotion nous gagne, je regarde Yves pour m’aider à me ressaisir, manque de chance, lui aussi a les larmes aux yeux ; les 2 enfants sont là, debout, nous savons qu’à Madagascar on ne s’embrasse pas facilement, et qu’en tant que « Vasaha » (étranger), il faut mesurer nos gestes avec les enfants, donc nous restons tous debout à nous faire des sourires (par lesquels nous essayons, bien sûr, de leur faire passer toute l’affection que chaque couple a pour son filleul ) ; puis nous nous asseyons, Yves et moi de chaque côté de Daurius, idem pour Pat et Yo avec Francia. Chacun à une distance respectable, par gêne, timidité, peur de choquer par nos envies européennes d’effusion, difficulté de communiquer du fait de l’écart de langage, et puis heureusement quelqu’un a l’idée de faire des photos et instantanément Daurius nous prend par le cou, Yves et moi, Francia fait de même avec Pat et Yo, la glace se rompt et nous éclatons tous de rire, le plus dur est fait !!!!

 

Nous allons ensuite à la cantine d’APM, les enfants sont en file indienne pour aller se laver les mains avant le repas. Quand nous arrivons, ils nous disent tous ensemble en français un magnifique : « Bonjour Monsieur, Bonjour Madame !!! » et nous chantent une chanson. Nous sommes touchés de cet accueil. Claire nous présente aux enfants et aux 2 cuisinières Jacqueline et Adeline en donnant nos prénoms. Au début du repas, comme chaque jour, les cuisinières font réciter le Notre Père aux enfants. Dès que nous tournerons le dos pour partir, nous entendrons les plus courageux lancer nos prénoms, cela suivi bien sûr de grands éclats de rire de tout le monde !!!

 

Notre 1er repas chez Claire : des crudités, du poulet avec des pommes de terre sautées et du riz (le riz, base de l’alimentation, présent à tous les repas de midi, parfois aussi au petit déjeuner et le soir) et salade de fruits frais (papaye, ananas, bananes)

 

Nous faisons connaissance avec Toky, le responsable au sein d’APM de Dorius, et Tanjona (son frère), responsable de Francia. Toky et Tanjona sont issus du quartier et ont un métier dans lequel ils sont bien impliqués : Toky, après un métier dans le commerce international, a choisi de travailler dans le social, Tanjona travaille dans une association qui aide au développement.

 

Nous avons de nombreuses discussions avec eux 2, Toky a conscience de « s’en être bien sorti », il est persuadé que l’éducation est le moyen incontournable si l’on veut s’en sortir et qu’à un moment de sa vie il a eu effectivement un choix à faire entre vivre dans le quartier plus ou moins misérablement et travailler pour s’élever, et que dans tout choix il y a renoncement.

 

Echange également sur la manière dont est ressentie la France, cause de tous les maux, même de ceux dont elle n’est pas du tout responsable !!! mais le souvenir de la colonisation est encore là. Ici à Marohoho où Claire et le travail d’APM en matière d’éducation, santé et environnement sont reconnus, on peut circuler sans problème, de jour ; le bruit que des français d’APM sont arrivés s’est répandu, mais de nuit, même pour aller à notre domicile qui est à 30 m de chez Claire, il y a toujours quelqu’un qui nous raccompagne.

 

Discussion à propos du retournement des morts tous les 5 ans environ : dès qu’un membre de la famille rêve du défunt, c’est le signal. C’est une cérémonie joyeuse, car les morts sont toujours avec les vivants, et qui inscrit les vivants dans une lignée, sinon « on est de nulle part », une tradition qui en ce moment où la peste sévit pose problème ; en effet les personnes mortes de la peste devraient être incinérées, ce qui ne permettrait ni enterrement ni ensuite retournement. Ainsi une famille a récemment « récupéré » son défunt à la morgue pour éviter l’incinération ; Nathalie dira en souriant : un corps perdu = un ancêtre envolé. De même si elles le peuvent, les familles ne signalent pas que leur défunt est mort de la peste, toujours dans le but de le « garder », ce qui malheureusement permet la propagation de la peste.

 

Echange également au sujet de la circoncision pratiquée ici dans toutes les religions, les parents continuent à respecter cette coutume, même s’ils n’ont pas une foi « pure et dure » car c’est la tradition et ils ne veulent pas choquer la famille ; Tanjona nous dit : « Ici tout le monde sait tout », c'est-à-dire que si l’on ne respecte pas un rite, quelqu’un l’aura fatalement remarqué et diffusera l’info.

 

 

 

19 10 2017 : on suit Claire qui va faire quelques courses sur la grand’route, puis au retour je me poste à sa fenêtre qui donne sur 10 m de rue non tortueuse, je veux absolument prendre en photo les porteurs d’eau, 1er témoignage à mes yeux de la dureté de la vie à Marohoho. La plupart des habitations n’a pas l’eau courante et tout le monde n’a pas non plus l’électricité ; pour ces porteurs d’eau affublés de 2 grands bidons jaunes de25 litres, un à chaque main, il y a un grand contraste entre la nécessité qu’il y aurait à ce qu’ils aient de bonnes chaussures pour ne pas se tordre les chevilles ainsi que pour l’hygiène et ce qu’ils ont aux pieds : des tong … ou rien. Heureusement la ruelle descend, mais on a mal pour eux. Ce ne sont pas toujours des adultes qui portent l’eau, cela peut être des adolescents, voire des plus jeunes. J’admire le sens de l’équilibre de tous ces porteurs (il faut savoir qu’APM a cimenté la rue, en partenariat avec les habitants, et qu’au milieu de ce béton, il y a une rigole pour l’évacuation des eaux usées) ; tout le monde circule avec une facilité déconcertante tout en évitant les imperfections du sol, la rigole, tel ou tel déchet, les autres personnes qui circulent. Il y a semble-t-il une « priorité » pour les porteurs d’eau et les personnes qui remontent des marais en bas des gros ballots de légumes (brèdes) ou de cresson sur leur tête.

 

Après le repas, dans une salle de la cantine, nous recevons avec Nathalie, la responsable de l’éducation, et Ginah, responsable de la commission santé, les enfants qui bénéficient d’un complément alimentaire : le Nutriset, un sachet qu’il faut prendre 2 fois par jour pendant 3 mois. Nous les recevons dans le cadre de la surveillance des améliorations en terme de poids et de taille. Petit échange avec Fiti qui ne veut pas toujours le prendre et qui, à force de persuasion, veut bien le prendre devant nous. Il paraît que le produit qu’il faut réchauffer à travers le papier entre ses mains n’a pas très bon goût et qu’il a une saveur aigre-douce. Nous recevons également Liza qui est passée dans l’été de 20 kilos à 14,9 ; nous essayons de comprendre ce qui se passe : en fait il vient d’y avoir les grandes vacances et Lisa n’a pas toujours à manger chez elle. Nous recevons également Blum et sa maman ; Blum a eu un problème de manque d’apports nutritifs dans son jeune âge et ses jambes se sont arrondies sur l’avant, pliant d’une certaine manière sous son poids. Blum devait subir une intervention chirurgicale récemment et au dernier moment sa maman a renoncé, ce qui peut aisément se comprendre, compte tenu de la lourdeur de l’intervention. Un entretien d’un tout autre genre avec Tendj et son papa : Tendj a par 2 fois menti à APM en disant qu’il avait été reçu à un examen, idem pour son père qui se plaint d’APM et pense que c’est de la faute d’APM si son fils n’a pas été reçu. Nous arrivons à décortiquer les raisons de ces mensonges et faisons comprendre au papa qu’APM est de son côté et qu’il convient qu’il œuvre lui aussi dans le sens de ce qui permettra à son fils plus tard d’avoir un vrai métier.

 

Nous allons ensuite rendre visite à plusieurs familles à 3P11 (un secteur de Maroho) pour lesquelles Toutou nous demande de mettre nos masques. Elles sont à 30 m de chez Toutou à vol d’oiseau. Mais nous plongeons dans un autre monde, le quart monde. Dans une famille, le père a eu la tuberculose, comme il est salarié d’APM, c’est APM qui prend en charge l’achat des médicaments. Il n’y a qu’une pièce dans ces maisons qui sont des amas de tôles ; c’est là que l’on cuisine avec un petit réchaud qui fonctionne au charbon de bois et rend l’atmosphère irrespirable et nocive pour les yeux. Les habitants de ce bidonville n’ont pas de titre de propriété, mais leur famille est là depuis toujours et à Madagascar quand on est là depuis toujours on est propriétaire. Par contre ensuite quelqu’un avec suffisamment d’argent a fait construire en dur, avec force papiers notariés et autres. Comme les 1ers n’ont rien qui prouve leur période d’arrivée et donc leur qualité de propriétaires, il dit que c’est lui qui est propriétaire de leur terrain !! Un truc de fous où la mauvaise foi a raison des petites gens. Pour entrer dans ces habitations de misères, on passe dans une petite cour exigüe, d’autant plus qu’elle dessert une demi-douzaine de logements ; donc il faudrait une entente extraordinaire pour que, hors saison des pluies, les gens puissent sortir leur réchaud dans la cour pour au moins que les fumées ne continuent pas à les intoxiquer. Quand on demande aux personnes si elles travaillent, elles disent que non. On sent qu’il y a également des problèmes d’alcoolisme, mais comment ne pas chercher un paradis artificiel quand la vie est un tel enfer. Le sol de ces maisons est en terre battue, bien sûr sans eau ni électricité. Une maison a même un mur fait seulement de bâches. On nous expliquera ensuite que dans cette promiscuité familiale, les filles sont parfois enceintes de leur propre père. Il n’y a de toute façon qu’un seul lit pour tout le monde, quand lit il y a. Parfois on a l’impression que ce ne sont que des ballots de linge sur lequel les gens s’étendent. Tout est noir par manque d’électricité, de fenêtre et par les fumées du réchaud. Un homme est accroupi dans la cour, la tête entourée d’une écharpe, il a mal aux dents à en devenir fou. Faute d’avoir de l’argent pour se soigner, les gens perdent très souvent leurs dents non soignées ; il n’y a pas de sécurité sociale à Madagascar, uniquement semble-t-il pour les personnes qui ont un emploi publique, donc celles qui ont déjà une rentrée d’argent !! Pour tous ces gens que nous visitons cet après-midi-là, la seule préoccupation est de trouver de quoi manger au jour le jour. On ressort de ce ghetto mal à l’aise, on ne sait même pas ce qu’il faudrait faire : pour qu’ils aient un travail, il faudrait qu’ils aient la santé et pour qu’ils aient la santé, il faudrait qu’ils aient un travail, c’est un cercle vicieux infernal. Nous nous attaquerons au problème du mur en bâches et aux fuites des toits en tôle à notre retour.

 

 

 

20/10/17

 

Nous avions décidé la veille d’aller faire des photos de la rizière à l’heure bleue (il y en a 2 par jour : au lever du jour et à la tombée de la nuit). Debout 5h et départ le ventre vide (le petit-déjeuner sera au retour). Pour se rendre aux rizières, il faut continuer de descendre la ruelle qui n’est pas cimentée sur toute sa longueur, il faut éviter gros cailloux, trous et déchets. Nous partons accompagnés de Toky (par sécurité il y aura toujours 1 ou 2 membres d’APM qui nous accompagneront, parfois même 1 devant et 1 derrière nous 4), lampe frontale, lampe de poche, il fait doux, nous arrivons tout au bas de la ruelle, un chemin beaucoup plus large, avec quelques maisons, plusieurs en construction, et ensuite nous atteignons les rizières, il fait encore nuit, nous entendons des grenouilles (ou des crapauds), peu à peu le jour se lève, très couvert malheureusement pour nos photos, et petit à petit la plaine s’anime de quelques silhouettes, certaines pour vider un pot de chambre, d’autres déjà pour aller travailler aux champs. Nous sommes à 20 mètres de la maison de Daurius et sa grand-mère sort justement de chez elle, Toky va à sa rencontre et nous faisons connaissance, elle nous montre sa maison qui est en fait une partie d’un ensemble d’habitations de sa famille ; elle se compose d’une seule pièce avec une fenêtre sans vitre, en fait comme la plupart des fenêtres un trou carré dans le mur qui s’obture avec un rideau en tissu et la nuit ou quand on n’est pas là avec un volet en bois ; il n’y a pas d’électricité, avec ma lampe, j’éclaire, tout est sombre car la grand-mère y cuisine avec un réchaud à charbon de bois, elle dit que parfois elle cuisine dehors. Je vois une bonne centaine de moustiques qui virevoltent bien qu’on n’en ait pas vu un seul dehors au milieu des rizières ; dans un coin un amas de couvertures ou de tissus qui doit être l’endroit où elle dort avec Daurius et quelques gamelles par terre, le sol est en terre battue. Nous ressortons à cause des moustiques et parce qu’on ne peut pas bouger, la pièce fait environ 3 mètres sur 3 ou 4, mais il y a partout, comme dans chaque petite masure que nous visiterons des amoncellements d’affaires, de sorte qu’il est difficile de se rendre compte. On voit que le toit en simples tôles ondulées est percé à plusieurs endroits et que 2 pans de mur en terre commencent à se fissurer dans l’angle. Nous apercevons une voisine qui se lève et sort de la pièce où ils vivent une cage avec quelques lapins qu’elle rentre la nuit par crainte du vol. Peu à peu, les cultures s’animent ; ça et là, une silhouette, puis une autre apparaissent à l’horizon et se mettent tout de suite au travail, un travail pénible : ils coupent des jacinthes d’eau pour nourrir les bœufs, coupent le cresson à maturité qui sera remonté en énormes ballots sur leur tête, nettoient leur petit étang et remontent à grandes pelletées la vase du fond qu’ils jettent sur la digue et qui sert ainsi à la consolider et à la reconstituer. Tous ces gens cheminent pieds nus, quand ils travaillent, ils sont dans l’eau, suivant la culture, jusqu’aux cuisses et parfois jusqu’à la taille lorsqu’ils curent l’étang. On voit des fleurs de lotus « en vrai » : le rêve de ma vie !!!! La couleur est magnifique : un bleu mauve et les pétales pétillent de vie.

 

L’après-midi a lieu la distribution aux enfants des vêtements que nous avons collectés avant de partir de France, puis la distribution hebdomadaire de savons. En tant que vice-président d’APM France, Pat fait un discours pour leur dire que nous sommes ravis de les rencontrer et leur expliquer à quel point il est important de bien travailler à l’école pour pouvoir avoir un métier plus tard. Il leur rappelle de respecter les mesures d’hygiène qui leur ont déjà été expliquées pour limiter les risques de peste. Le gouvernement vient de prolonger les 15 jours de congés en raison de la peste jusqu’au 6 novembre, cela ne nous rassure guère, mais il paraît qu’à Marohoho, il n’y a pas d’épidémie. Pour terminer avec les enfants, on leur distribue des brosses à dents et Ginah en fait une démonstration. On remettra ensuite et séparément les cadeaux que certains parrains nous ont confiés pour leurs filleuls. Nous donnerons une partie de ses cadeaux à Daurius : une lampe dynamo pour lui et une pour sa grand-mère, une boîte de peinture et des pinceaux, une petite lampe à led pour lire le soir ainsi qu’une flûte.

 

Claire a acheté un journal en français et nous découvrons un article annonçant qu’Emmanuel Macron a présenté ses condoléances suite au décès de Zafy Albert, un ancien président de Mada, cela nous fait tout drôle, ce petit écho de France.

 

21 10 2017

 

Nous avions demandé à Daurius et sa grand-mère de venir à 8h car nous avons appris que Daurius ne vivait plus depuis 2 jours chez elle et était parti chez sa tante. Un échange pour savoir ce qui s’était passé et ses causes : Daurius expliquera qu’il ne supporte plus que sa grand-mère boive, surtout qu’elle n’a pas « le vin gai » ; de plus l’habitude malgache (qui change peu à peu, mais pas assez vite) est de battre son enfant « pour son bien », pour qu’il reste dans le droit chemin. La grand-mère expliquera que Daurius va après l’école chez un mécanicien et qu’il ne rentre pas pour l’aider. Nous essaierons d’aider l’un et l’autre en facilitant la parole entre eux deux, finalement chacun a des raisons à son comportement que l’on décortique ensemble, Daurius entendant que sa grand-mère boit car sa vie est dure, qu’elle a perdu 2 de ses enfants (dont la maman de Daurius), mais qu’elle l’aime . Nous lui expliquons que nous ne jugeons pas, qu’effectivement elle a une vie dure et l’incitons à moins boire au moins pour Daurius qui a besoin d’une grand-mère qui ne lui dit pas d’horreurs et ne le bat pas quand elle a bu, et surtout d’une grand-mère vivante (Pat lui rappelle que l’alcool raccourcit l’espérance de vie), Daurius disant qu’il va faire un effort pour aider sa grand-mère et que lui aussi l’aime. A la fin de cet échange, Daurius se jette dans les bras de sa grand-mère, nous voilà tous une nouvelle fois les larmes aux yeux !!!!

 

Puis vient le moment du départ pour une journée loisirs que nous voulions offrir à nos filleuls ; nous leur avions proposé diverses activités et ils avaient décidé d’aller dans un parc aquatique. Nous apprendrons que Daurius avait comme souhait le plus cher de monter dans un mini-bus. Il sera exaucé car ce sera notre moyen de transport ; et ce sera touchant de les voir tous deux « s’en mettre plein les yeux » du simple spectacle de la ville. En chemin nous arriverons sur une vaste étendue où sont fabriquée des briques : on extrait la terre, on la modèle, on fait sécher, puis on les empile d’une façon bien particulière pour les cuire en faisant un feu au milieu.

 

Arrivée au parc !!! Nous avons acheté en route un maillot de bain pour Daurius qui n’en avait pas car il ne s’était jamais baigné ; en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les 2 enfants seront dans l’eau, nous essaierons de leur apprendre à nager ; à un moment, Daurius voit un tobogan qui débouche dans l’eau. Il sort sur le bord de la piscine pour y monter, je lui montre qu’il n’aura pas pied (moi à peine d’ailleurs) et lui crie d’attendre que j’aille en dessous le récupérer, peine perdue, je serai encore à nager à toute vitesse quand il débouchera dans l’eau, une belle tasse et une belle frousse !!!! Cela ne l’empêchera pas d’y retourner instantanément !!!

 

Nos 2 filleuls commencent à avoir les lèvres qui tremblent et, comme tous les enfants du monde, ils disent que non, ils n’ont pas froid !!!! Tout le monde sort se sécher et se réchauffer au soleil, puis nouvelle baignade, puis repas au bord de la piscine ; ensuite nous allons à une piscine pour plus petits, le temps que nous fassions des photos d’une grenouille de bananier, ils sont déjà dans l’eau, et là bien sûr nous ne les accompagnons pas et pouvons profiter du spectacle de la joie et de l’insouciance de 2 gamins qui pour un temps oublient la difficulté de leur vie. Il y a un tobogan tortueux couvert, et leurs cris de joie quand ils glissent dans ce gros tuyau sont un joli moment de bonheur. A certains moments, ils sont allongés l’un et l’autre à musarder, des instants de joie simple. Nous aurons l’impression que cette journée les aura rendus complices. Dommage que Daurius ne parle et ne comprenne quasiment pas le français car il est assez difficile de communiquer sans l’aide de quelqu’un d’APM ; Francia parle et comprend assez bien le français ; Daurius n’apprend le français que depuis le début de son parrainage il y a quelques mois.

 

 

 

Nous décidons d’aller jouer au babyfoot, équipe Daurius et Yves contre Francia et Pat. C’est pire que le championnat du monde de foot !!!! Au bout d’un moment, Yo et Moi remplaçons nos hommes, et là, après quelques minutes de jeu, Daurius, délicatement mais fermement, me vire de ma place d’attaquante pour me « coller » à la place de gardien, puis Toky vient aussi dans le jeu. Pour les rares personnes qui ne savaient pas qu’il y avait 4 vasahas dans le parc, nos cris les auront avertis !!!!

 

Et puis il faut se décider à rentrer, la réalité nous rattrape au détour de nos bonnes intentions : Yo et moi voulons leur offrir un goûter, Yo s’adresse à Toky : «Qu’est-ce-qu’ils prennent habituellement au goûter : un fruit, du pain (et devant l’œil plein d’humour de Toky), ou … rien. Donc la réponse est « rien » !!! On reprend le mini-bus, comme ils se sont beaucoup dépensés et qu’on n’est pas sûr qu’ils aient un repas ce soir, on demande l’avis de Toky et ils proposent de leur faire manger quelque chose d’exceptionnel pour eux : une pizza ; nous nous arrêtons en bord de route vers une échoppe et ce que nous mangerons sera très bon, à la nuance près que ce sont des pizzas sans sauce tomate !!!

 

Retour au siège d’APM, Toky et Tandjona raccompagnent les enfants chez eux, ils emporteront les restants de pizza.

 

Nous serons heureux d’avoir pu offrir cette journée d’insouciance aux enfants, et de leur avoir permis, à la piscine, d’être pareils aux autres enfants : en maillot dans l’eau, il n’y a pas de différence entre riches et pauvres.

 

22 10 2017

 

Avec Daurius et Francia, et leurs référents Tandjona et Toky, excursion sur les hauteurs de Tana, dans le quartier « chic » où se trouvent les ministères et le palais présidentiel, c’est jour de fête, ici comme dans notre quartier, les gens sont endimanchés pour aller à la messe. Dans la ville haute, se trouve la toute première église catholique. Nous dominons à plusieurs reprises tout Tana, enfin une vue d’ensemble qui aide à se repérer. Tandjona nous explique qu’il y a seulement quelques années en arrière il y avait de nombreuses forêts, mais que le fait de cuisiner au charbon de bois, de l’exporter, parallèlement à la tradition de cultures sur brûlis et à l’expansion de la ville fait disparaître peu à peu la forêt. Une vue magnifique sur la coulée verte des rizières au cœur de la ville, dans sa partie basse. Dans la ville haute de nombreux bougainvillées, un arbre aux énormes fleurs jaunes de la taille de ma main, des cactus immenses, des arbustes dont nous utilisons les feuilles en art floral etc. Daurius découvre sa maison vue « du dessus » avec amusement. Lorsque nous redescendrons chez Claire, nous croiserons des enfants qui ont attrapé un caméléon et le promènent au bout d’un bambou. Quand nous traverserons par les petites ruelles un autre quartier pauvre que le nôtre, nos 2 « garde du corps » se placeront l’un devant nous et l’autre derrière. Nous verrons également des adultes et des enfants jouer devant chez eux à un genre de jeu d’échec inamovible qu’ils ont fabriqué sur un gros tronc coupé ; ils jouent avec de simples cailloux d’aspects différents.

 

14 heures : les parents des enfants parrainés étaient invités à venir confectionner des cartes que l’on envisage de vendre lors d’un marché de Noël en France, pour récolter des fonds. De nombreuses mères sont venues avec leurs enfants, il n’y a que quelques pères présents. C’est un moment très sympathique, alors que tout le monde est encore dehors, une musique s’élève d’une maison voisine, aussitôt Toutou démarre une danse et tout le monde la suit, tout le monde danse et cela a l’air de beaucoup amuser adultes et enfants de me voir danser aussi. Ensuite tout le monde rentre dans la salle de la cantine et nous nous mettons dans une 2ème pièce pour recevoir les parents qui veulent nous rencontrer aussi bien pour des doléances que pour des demandes et nous recevons aussi les enfants qui ont de mauvais résultats, présentent des problèmes de comportement ou ont eu un avertissement. De nombreuses femmes seules avec leurs enfants demandent un prêt pour créer une micro-entreprise. A 18 heures, le soir commence à tomber, il faut que chacun puisse repartir en sécurité, nous arrêtons de recevoir les familles et demandons à celles qui attendent encore de revenir le lendemain. Nous sortons sombres de cette permanence et des difficultés dont les parents ou grands-parents nous ont fait part (les grands-mères élèvent souvent leur petits-enfants quand les parents sont morts ou qu’il y a des difficultés, de plus l’âge de la 1ère maternité étant très jeune, les grands-mères sont parfois bien jeunes).

 

 

 

23 10 2017

 

Visite à 2 familles dans le quartier ANKATITHO, l’une avec un gros problème d’alcoolisme du père, ce qui a conduit sa femme et les enfants à partir, et l’autre afin de voir et d’inciter l’enfant parrainé, Mandsour, à s’orienter dans l’enseignement technique pour apprendre la couture, après avoir échoué à 2 reprises au brevet. Ankatitho se trouve de l’autre côté de la rizière. Petite surprise : il faut passer sur une passerelle de planches en bois avec des jours, longue, longue !!!! où l’on a intérêt à juger à l’avance de la stabilité et de la solidité de la planche sur laquelle on met le pied ; je brille par ma gaucherie, ce qui fait éclater de rire les gamins alentour, et moi avec !!! Une drôle d’impression d’être à un mètre au dessus des rizières, on n’est plus complètement sur terre ni complètement en l’air, entre 2 mondes. Cela ne nous empêche pas d’arrêter notre progression pour faire des photos. Dans l’une des maisons, les poules entrent et sortent de la maison à leur guise, une poule est même en train de pondre dans un panier avec de la paille à côté de nous, et pays de contrastes, la maison est équipée d’une télévision. Dans une maison, une vieille dame qui ne parvient plus à marcher sans aide ; elle est très ingénieuse et se sert d’un balai sur lequel elle s’appuie pour marcher. Elle cuisine et vend ce qu’elle fabrique dans une échoppe un peu plus loin ; quand on lui demande comment elle porte sa nourriture prête, elle nous explique qu’elle la met dans une petite gamelle qu’elle pousse devant elle par terre avec le balai. Nous allons encore par une passerelle, mais celle-ci avec une rampe de chaque côté, chez Monsieur Murphy qui habite dans ce secteur et est le référent des familles que l’on vient de visiter avec lui. Il habite un petit havre de paix avec des fleurs, des arbres ; son fils vit ici, il est potier et de nombreuses poteries sont disposées aux abords de la maison, un hibiscus aux fleurs magnifiques, il nous fait même une démonstration de travail au tour.

 

L’après-midi nous faisons des panneaux sur lesquels nous collons et illustrons des photos des grands événements qui se sont passés à APM, notamment l’anniversaire des 10 ans d’APM en 2015, une sortie dans un parc aquatique et une colonie de vacances en bord de mer. Un moment de détente suivi de la réception, comme hier, des familles qui ont une demande particulière, ou des enfants qui présentent des difficultés. Dans les quartiers très pauvres où nous évoluons, les mères élèvent souvent seules leurs enfants, le mari parti ou décédé, et le besoin d’une autorité masculine se fait souvent sentir chez les enfants. Heureusement il y a de nombreux petits métiers sans formation accessibles à tous : les femmes peuvent être lavandières ou lessiveuses, 2 noms pour un même travail, elle peuvent aussi faire des ménages (c’est le métier qui rapporte le moins) ou comme elles le font souvent : elles cuisinent et vont vendre dans la rue ce qu’elles ont préparé. La demande régulière que les mamans auront quand elles demanderont à être reçues est d’avoir un prêt sans intérêt pour acheter un peu de matériel de cuisine et des matières premières, le temps d’avoir réalisé quelques gains. Les prêts qui sont accordés sont toujours remboursables et les « intérêts » se rendent avec un engagement écrit (avec une valeur uniquement morale) d’aider la cantine de l’école, en apportant à un rythme fixé des légumes ou des œufs etc suivant le type de micro-entreprise qui aura été créée grâce au prêt.

 

24 10 17

 

Le père que nous avons vu hier vient avec sa fille ; nous les recevons séparément, la fille dira qu’elle a peur de son père quand il est ivre car elle habite maintenant chez sa grand-mère à 5 mètres et que le père y descend alors et qu’il peut être violent. En fait comme il s’agit de la grand-mère paternelle, elle a du mal à se positionner entre les deux. La fille nous dit qu’elle a honte dans le quartier de l’attitude de son père et qu’elle craint ses périodes d’ivresse. Nous apprenons finalement qu’en fait il a touché à sa sœur aînée et qu’elle a peur qu’il en fasse de même pour elle. La grand-mère n’étant pas très forte, on se doute qu’elle ne pourrait se mettre en travers de son fils. Nous recevons ensuite le père qui a fait l’effort d’être à jeun, nous semble-t-il, et il est attentif à ce qu’on lui dit. On lui explique que sa propre fille a peur de lui quand il a bu et que s’il veut retrouver une bonne entente avec ses enfants, il faut qu’il fasse l’effort d’arrêter de boire, d’autant plus que son frère, qui est géomètre, pourrait alors l’embaucher. Nous lui rappelons que lorsqu’on a bu, on devient un autre homme qui dit ou fait n’importe quoi, sans même s’en rappeler ensuite. Quand il part, il dit qu’il va faire des efforts, nous lui disons que nous revenons dans un mois et que nous reviendrons le voir.

 

Nous allons ensuite voir les médecins qui voient régulièrement les enfants parrainés, comme c’est le cas aujourd’hui. L’une des deux, Sophie, nous explique que l’alcoolisme est répandu dans 80 à 90 % de la population du quartier, et que le coût d’une cure ou d’un traitement de désintoxication est trop élevé (minimum 70 000 ariarys). Nous parlons ensuite du cas de plusieurs enfants qui ont des problèmes de santé. Nous la questionnons sur la peste et la conduite à tenir (notamment ne surtout pas prendre de bus, de taxi, tout ce qui est confiné, en fait), puis elle nous fait pour tous les 4 une prescription d’un médicament à prendre immédiatement si l’on pense avoir été en contact avec une personne infectée et nous fait une prescription pour notre voyage. Elle nous dit que la peste se soigne très bien si c’est pris très vite. Par contre il y aurait actuellement pénurie de matériel de détection. Elle nous prend tout de même à tous les 4 la température avec un thermomètre qu’elle « braque » sur nous. Aucun n’a de la température et nous nous dirons ensuite que nous sommes étonnés d’être en 36,4 et 36,7 à 10 heures du matin. L’un de nous est constipé depuis qu’on est arrivé (une semaine), cela donne lieu à une discussion animée avec force éclats de rire, Sophie dit que ça lui fait du bien de rire !!! Elle nous conseille de prendre du Berocca pour renforcer nos défenses immunitaires. Quand nous repassons devant chez elle après être allés au « Super Maki » où nous avons cherché en vain des pruneaux ou du jus de pruneaux, elle nous indiquera que l’un de nos enfants qui étaient en consultation avait de la fièvre et toussait et qu’elle lui a dit de rentrer chez lui immédiatement et d’aller ensuite à l’hôpital. Douche froide !!! Nous commençons à nous demander s’il faut porter nos masques, ce qui est particulièrement gênant quand personne n’en porte. Nous allons à la pharmacie acheter les médicaments, bien sûr il manque celui pour la constipation et pour aller en ville en acheter, il faut prendre un taxi ou un transport en commun, donc accroître les risques de rencontrer une personne infectée !!! Retour chez Claire pour le repas, délicieux comme d’habitude. Nous récupérons du tamarin pour en faire un jus qui doit être radical, paraît-il. La sœur de Claire a également des suppositoires de glycérine qu’elle nous donne. Je vous rassure, l’histoire finit bien !!!

 

En début d’après-midi, le père de l’enfant envoyé à l’hôpital vient, furieux, car il dit que c’est APM qui dit qu’il a la peste alors qu’il ne l’a pas. Nous lui disons de retourner chez lui car il devrait être confiné, lui aussi. Il annonce qu’à l’hôpital (où la mère n’a pas eu le droit d’entrer) on a dit à son fils qu’il n’avait pas la peste et qu’il n’avait pas de fièvre. L’enfant a dit qu’il n’avait pas eu d’ordonnance, aussi nous ne sommes pas sûrs qu’il y soit allé. La peste est une maladie dont on a honte ici, donc le père n’est pas content, nous décidons une fois qu’il est parti que nous emmènerons l’enfant dans un autre hôpital demain.

 

Après cela, nous nous demandons quoi faire, faut-il mettre les masques parce que le père est entré chez Claire, de plus il y a toujours des courants d’air chez Claire, donc cela a pu apporter jusqu’à nous les éventuelles bactéries que le père aurait pu avoir au contact de son fils. Bref nous devenons paranos !!! Je distribue quelques gouttes d’essence de citron à chacun, le citron étant un bon bactéricide.

 

Nous devons ensuite retourner au quartier Ankatitho porter des béquilles à la grand-mère de Mandsour . En chemin nous découvrons un rat agonisant, une petite montée d’adrénaline pour la paranoïa qui s’installe petit à petit chez certains parmi nous et dont on essaie de rire. Mandsour est finalement revenue (sinon elle habite trop loin pour suivre ses études), mais avec une mine bien triste, la grand-mère est ravie des béquilles qu’on lui met à sa taille tout de suite, ça la fait rire de voir que nous avons apporté une pince pour visser les vis et les boulons que nous avons achetés pour remplacer les « tétons » d’ajustement de taille qui sont cassés. Lorsque Pat les resserre à fond une dernière fois, elle lui dit avec force en riant de faire attention à ne pas trop serrer et à tout casser et tout le monde rit. Pendant que nous sommes tous là, une femme avec un bébé essaie de rentrer chez elle ; elle est déjà venue hier et a voulu poser son ballot d’affaires en lui disant qu’elle voulait s’installer ici. La grand-mère avait refusé, là nous sommes en nombre, Monsieur Murphy la chasse avec des paroles fortes ; peut-être Mandsour aura-t-elle saisi que sa présence est source de protection pour la grand-mère. Monsieur Murphy nous explique à plusieurs reprises que cette femme n’est pas du quartier, je me demande si l’on peut en conclure que si elle avait été du quartier, les choses auraient pu être différentes. Discussion avec la grand-mère à qui nous demandons d’être « plus grand-mère que mère » quand son fils est ivre et que son rôle est de protéger dans ces moments-là sa petite-fille. Monsieur Murphy avait déjà longuement discuté avec elles deux avant notre arrivée et il dit à Mandsour que s’il se passe quelque chose à n’importe quel moment, elle peut lui téléphoner ou aller chez lui immédiatement. Oui, nous sommes dans un pays de contrastes, une vie difficile peut se conjuguer avec un portable et son abonnement. Il y a de fait plusieurs niveaux de pauvreté, et ici dans les quartiers où nous faisons des visites à domicile, on peut voir se juxtaposer des maisons cossues, des maisons modestes en dur, des logis d’une pièce aux murs en terre, le toit en tuiles, ou en tôles, et puis plus triste encore, un assemblage de planches, de plastiques pour les murs et de tôles plus ou moins étanches pour le toit, avec de gros cailloux pour les maintenir. Cela nous choque ces juxtapositions de niveau de vie très différents, mais finalement qu’est-ce-qui est le plus choquant : ce qu’on voit ici ou comme chez nous des quartiers résidentiels d’un côté et des quartiers de HLM de l’autre, bien séparés ?

 

Au retour de cette visite, nous recevons au domicile de Claire Sariaka, sa maman qui tient son dernier enfant dans ses bras, Anditiana, (donc le frère de Sariaka), et la belle-sœur de la maman (donc la tante de Sariaka). Nous recevons tout d’abord tout le monde en même temps. La maman est raide et le visage fermé, la fille triste. Cela fait 6 mois que Sariaka a décidé de partir vivre chez sa tante (plus aisée, avec l’électricité, la télévision etc) un soir où il n’y avait rien à manger ; depuis lors ses notes ont fortement baissé. Nous demandons à sa maman si elle a un mari ; elle dit que son 1er mari, père de Sariaka et d’Anditiana est mort, qu’elle s’est remariée et que son mari vient de la quitter. Il n’y a pas de pension alimentaire ni d’allocations familiales à Mada. Elle est lessiveuse. J’explique à Sariaka qu’elle a de la chance d’avoir une maman courageuse comme elle a, car parfois quand une femme se remarie, elle abandonne les enfants issus du 1er mariage et qu’une vie dure comme celle de sa maman peut amener un comportement dur, qu’il est plus facile d’être cool quand on n’a pas de souci. Sariaka reproche en effet à sa maman d’être très dure et sévère. Nous lui faisons également remarquer que depuis qu’elle est chez sa tante, ses notes ont fortement baissé. Sariaka demande à nous parler seule. Elle pleure et dit qu’elle ne veut pas aller chez sa mère, mais elle reconnait que sa mère l’aime et qu’elle aime sa mère. Quand tout le monde est réuni de nouveau et que nous annonçons à la maman la décision de sa fille, son visage déjà triste se ferme, une larme coule, son corps parle pour elle, elle baisse peu à peu la tête, serre plus fort son dernier enfant qu’elle tient depuis le début dans ses bras, elle rabat autour d’eux deux le grand foulard qu’elle avait, comme s’il lui apportait de la chaleur humaine. C’est d’une tristesse, je suis bouleversée. Puis nous discutons avec la tante pour essayer de comprendre son point de vue, elle dit qu’elle souhaite elle aussi que Sariaka retourne chez sa mère. En fonction de tout cela, Nathalie tranche et propose qu’en semaine Sariaka aille chez sa tante et que le week-end et les vacances elle aille chez sa maman ; comme en ce moment c’est les vacances-peste (le terme nouveau pour nommer cette période de vacances scolaires forcées), Sariaka va ce soir chez sa maman. Toutes deux vont faire des efforts de comportement. Nous sortons très émus de cet entretien.

 

Ensuite nous recevons ensuite Jean-Marc et ses parents. Jean-Marc a eu un avertissement, c’est pourquoi nous avons voulu le recevoir. L’avertissement a porté ses fruits, car depuis Jean-Marc a amélioré son comportement et son travail scolaire. Ses 2 parents travaillent et nous avions reçu sa maman dans le cadre d’un prêt à la création d’une micro-entreprise. Nous lui montrons qu’il a toutes les chances pour réussir : deux parents qui travaillent et dont on devine la bonne entente, des capacités personnelles et un parrain qui le soutient.

 

Après cela, retour « chez nous ». Petite surprise au moment de prendre la douche, une bestiole de 4 cm dans le bac à douche, Yves pense que c’est une blatte, moi, berk je ne veux pas savoir, un bon coup de basket et la voilà partie dans le trou de la douche ad patres.

 

25 10 17

 

Nouvelle journée plaisir pour laquelle nous avions invité, outre nos filleuls, Gina, Nathalie et ses enfants (elle en accueille 2 en plus de ses propres enfants, ce qu’on découvre donc alors !!!), et Toutou. Nous voyons arriver serviette à la main une enfant de plus, la fille de Toky, que nous n’avions pas invitée, bien décidée à partir avec nous. Nous nous demandons comment tout ce monde va tenir dans le mini-bus que nous avons réservé, mais finalement en se serrant, en prenant des petits sur les genoux, nous tenons tous !!!! En chemin nous nous arrêtons au même endroit que la dernière fois : là où sont fabriquées les briques en terre. Nous voyons un gamin qui n’a pas 10 ans se faire un petit échafaudage de 5 briques qu’il cale contre son torse et porte 10 mètres plus loin pour constituer le dôme de briques qui seront cuites ensuite. Les femmes, qui en portent plus, les mettent sur leur tête et placent un petit coussin avec un creux au milieu pour se faire une assise plus stable et se faire moins mal. On demande à l’enfant ce qu’il gagne comme salaire : de l’ordre de 20 ariarays par voyage ; on demande comment on sait le nombre de voyages qu’il a faits, et nous apercevons un homme avec un papier à la main qui note chacun des passages des ouvriers. Cet enfant n’est pas le seul à travailler ; quand je demande à Nathalie si c’est à cause des vacances-peste qu’il travaille, elle m’explique que non, ces enfants ne vont pas à l’école car on n’est plus en ville, ici c’est la jungle et c’est « normal » que les enfants travaillent. Plus loin nous pouvons observer comment les femmes chargent des briques sur leur tête ; on observe qu’elles les chargent un étage à la fois en portant une brique dans chaque main sur l’étage précédant et que, pour faire plus de hauteur, elles finissent en ajoutant non pas un dernier étage mais 2 étages d’un seul coup, en mettant dans chaque main non pas 1 brique, mais 1 + 1 dessus : ainsi elles posent un étage de plus que la portée de leurs bras. Pour les décharger, même astuce : elles attrapent dans chaque main l’avant-dernière brique qui est surmontée de la dernière brique qui vient donc avec.

 

Nous avions décidé de retourner à Batoo Beach, tellement Francia et Daurius avaient adoré. C’est de nouveau une journée très réussie. Lorsque nous faisons une photo de Nathalie et Gina qui prennent des pauses de naïades dans leur tenue de bain, Nathalie nous dit de les mettre sur facebook avec en légende « Vacances-peste » !!! Cela aura été une journée de rires où l’on a oublié la misère ; au retour pendant que notre mini-bus est arrêté 5mn, le temps que les hommes aillent à la pharmacie, je prends des photos des passants, c’est l’heure de pointe et il y du monde à pied et une circulation folle. Tout d’un coup, je ne sais pas comment, je note que tous les gens ici sont noirs, je n’avais pas encore remarqué cela depuis 9 jours que nous sommes arrivés, je le dis tout fort en même temps que j’en prends conscience et là j’avoue que nous sommes pliés de rire, on n’en peut plus, Yves dehors nous entend et ne comprend pas ce qui se passe, je crois que nous tous, les adultes du mini-bus, n’oublierons pas ce moment !!!!!!

 

Au retour Nathalie nous emmène chez elle pour nous montrer son domicile qu’elle a magnifiquement décoré, c’est un nid de douceur et de chaleur humaine ; jusque tard dans la nuit, elle nous explique qu’elle confectionne de l’artisanat, notamment des nu-pieds pour femmes qui sont superbes, elle au un talent et un goût extraordinaires, nous lui achèterons de sa production pour vendre en France pour récolter de l’argent pour APM lors de nos ventes caritatives.

 

Après de nouveau un bon repas chez Toutou, nous rentrons chez nous. Au moment de se laver en versant sur lui avec une grosse tasse l’eau qu’on a faite chauffer, Yves aperçoit une énorme bestiole au fond : c’est long comme mon petit doigt, plus large, c’est noir avec des ailes, même verdict qu’hier soir : plusieurs bons coups de chaussures et hop dans le trou de la douche. Oui, chez nous, notre sens écologique et respectueux de la vie a passablement changé : moustiques, bestioles, on n’a aucun scrupule !!! J’aperçois au moment de me coucher un petit margouillat (genre de petit lézard qui vit dans les maisons et est toujours au plafond ou sur le haut des murs) sur le mur ; j’essaie de le prendre en photo, il est tout clair, pas comme ceux qu’on voyait à la Réunion, mais comme c’est la nuit, avec la lumière électrique je n’y arrive pas. Je lui dis bonne nuit et vais rejoindre Yves qui dort déjà !!!

 

26 10 17

 

Ce matin nous sommes allés acheter des produits de 1ère nécessité pour chez Daurius (de l’huile, du sucre, de la lessive, des bougies – nous avons commandé du riz qui sera disponible demain matin) et nous avons porté quelques cadeaux que nous n’avions pas trop voulu donner le jour où tout le monde recevait les cadeaux des parrains : un ballon de foot dégonflé (pour le transport) et une pompe ainsi qu’un kilo de pâtes de fruits ; nous expliquerons à la grand-mère comment c’est fait car elle ne connaît pas. Quand il nous a vus depuis chez lui venir dans sa direction, Daurius était venu nous dire bonjour et ensuite avait foncé chez sa grand-mère la prévenir : aussi arbore-t-elle une robe moirée et une veste avec des filets dorés. Lorsque Daurius voit qu’on lui offre un ballon de foot, lui qui est modéré dans ses élans, il me saute dessus comme les petits : les bras autour du cou et les jambes à la taille, je manque à moitié tomber à la renverse !!! Yves fait le jaloux, Daurius lui saute dessus, pareil !!!! Au moins on est sûr de lui avoir fait plaisir avec ce cadeau-là !!!! Grâce à Ginah qui nous accompagne, on dit à la grand-mère qu’on voudrait lui acheter deux poules pour qu’elle ait des œufs ou alors un lapin et une lapine. Elle préfère avoir des poules, nous lui expliquons bien que ce n’est pas pour les manger, mais pour les œufs. Elle nous demande si on peut lui acheter une robe. Après cela nous remontons chez Toutou, c’est déjà l’heure du repas qui se terminera par les 1ères mangues de l’année : la saison commence tout juste.

 

14 heures : même démarche: nous accompagnons Pat et Yo chez la grand-mère de Francia  pour apporter les mêmes produits que chez Daurius. C’est Nathalie qui nous accompagne. Je lui demande ensuite s’il est possible d’aller acheter une robe pour la grand-mère de Daurius. Nous allons dans des boutiques de fripes qui sont en haut du quartier sur la grande route. Nous trouvons ce que nous cherchons et même plus.

 

De retour chez Toutou où Gina nous rejoint, nous préparons la fête de Noël : on cherche des chansons françaises que les enfants chanteront et sur lesquelles ils danseront, on regarde sur internet dans le répertoire d’Hugues Aufray ; et puis un grand moment : on cherche des recettes de dessert et de repas. L’eau nous vient à la bouche pour les desserts : gâteaux au chocolat, petits sablés de Noël, crottes au chocolat, pain d’épices ; Nathalie dit qu’elle n’en a jamais mangé, aussitôt je fonce chez nous car j’en avais acheté un paquet à offrir en partant !!! C’est la fête !!! Quand je reviens, je m’aperçois que Yves a glissé du dessert au plat de résistance et qu’il explique une recette de viande !!!

 

Et il est déjà 19h30, on mange et hop, retour chez nous pour voir si nous avons de nouvelles bêbêtes !!! Rien de dégoûtant : une grosse chenille, et un ver de terre qui se promène dans le bac à douche !!!

 

27 10 17

 

Aujourd’hui nous avons plusieurs missions : aller acheter 2 poules, porter le riz et les derniers cadeaux chez Daurius et porter le riz chez Francia. Nous partons au marché avec Gina, nous avons un peu de mal à trouver nos poules pondeuses, soit elles sont déjà mortes et plumées, soit elles sont à tuer pour les manger. Finalement une dame qui vend des œufs nous dit qu’elle en a, mais chez elle ; nous la suivons dans les ruelles ; effectivement elle en a enfermées dans un poulailler, Gina et moi héritons de 2 jolis spécimens et nous voilà partis chez Daurius car nous ne pouvons pas rester avec ces pauvres bêtes aux pattes attachées jusqu’à cet après-midi quand la marchande aura eu sa livraison de riz. Gina et moi en tête de notre troupe, nous cheminons au travers les rizières et les cultures de légumes, c’est assez loin chez Daurius, encore quelques passages sur des passerelles, mais je suis presque devenue une pro !!!, et nous arrivons. La grand-mère est aux anges, nous baptisons les 2 poules Michèle et Yvette ; Daurius leur jette tout de suite quelques grains de riz à même le sol de terre battue de leur maison, ainsi elles sauront que c’est là qu’elles habitent !!!! Nous expliquons à la grand-mère que nous reviendrons cet après-midi avec du riz ; elle travaille et nous propose de venir à partir de 16 h. Nous remontons manger chez Toutou, allons à 14 h acheter du riz à l’échoppe, il n’est pas encore arrivé. Nous avons également besoin d’un panier avec couvercle pour coucher les poules pour la nuit car les bêtes sont rentrées à l’intérieur la nuit et la maison de la grand-mère n’est qu’une pièce en terre battue, donc il faut bien qu’elles restent tranquilles. Gina et Nathalie interpellent différentes personnes qui passent dans la ruelle, finalement on arrive à se procurer ce qu’il nous faut d’occasion en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. La ruelle n’étant pas plus large qu’1,50 mètres, à 6 que nous sommes, nous formons un bouchon qui gêne chaque fois qu’un porteur d’eau ou de choses volumineuses passe ; en plus un bouchon dans lequel il y a 4 « vazahas », d’autant plus qu’il n’y a jamais de blancs dans cette ruelle !!!!, vous imaginez !!! Finalement le riz arrive, comme tout dans le quartier à dos d’hommes. En fait les sacs de riz font 50 kilos, les hommes ne les portent pas réellement sur leur dos mais sur leurs épaules et leur nuque ; en plus ils font cela à toute vitesse. On voit même un des porteurs en avoir 2 à la fois. On a mal pour eux. Le riz est là, maintenant il s’agit de s’organiser car à nous 4 (les 2 couples de parrain/marraine), nous en achetons 65 kilos : 15 pour chez Daurius, 40 pour chez Francia où ils sont plus nombreux et 10 pour la mère de Francia (Francia vit chez sa grand-mère, mais il serait de mauvais goût d’oublier sa maman). Les malgaches mangent du riz blanc, sans sauce, au moins tous les midis, en général aussi le soir et dans les familles pauvres le matin. Une personne adulte consomme entre 500 g et 1 kilo de riz par jour. Depuis le début de la présidence actuelle, le prix du riz a été multiplié par 4, toute une part de la population a donc du mal à se nourrir. La période la plus dure pour les malgaches qui cultivent du riz pour en vivre est la période à partir de janvier, car il n’y a pas de récolte de riz. Pour les enfants d’APM, le repas que la cantine leur offre le midi est parfois le seul de la journée. Une enfant d’APM qui pesait 20 kilos a perdu 5 kilos pendant les vacances d’été où la cantine APM est fermée car elle fonctionne avec l’école. On n’a pas toutes les données pour dire si c’est le manque de nourriture qui est seul à l’origine de cet amaigrissement, mais il est sûr qu’il en est une composante.

 

Maintenant que le riz est là, il faut le répartir !! C’est l’attraction !!! Tout le monde se doute bien que ce n’est pas pour nous, et se demande bien ce qu’on va en faire !!! De nouveau nous formons un bouchon de vazahas ; en effet on ne rentre pas dans les échoppes, ce sont elles qui s’ouvrent sur la rue et vous faites en fait vos achats en étant dans la ruelle elle-même. La répartition faite, notre groupe se scinde en 2 : Pat, Yo et Gina vont chez Francia et Nathalie, Yves et moi chez Daurius. Nous connaissons le chemin par cœur !!! Nous donnons le riz, la grand-mère s’assoit et se met à pleurer ; Toutou nous avait dit que le fait qu’elle ait du riz « d’avance » la rassurait pour l’avenir et la mettrait sur le même pied d’égalité que ses voisins. Il faut savoir que dans les familles de grande pauvreté où nous évoluons, on vit au jour le jour. Puis je sors de mon sac le reste des cadeaux : 2 livres en français car Daurius adore lire, bon bien sûr pour le moment il commence à apprendre le français, mais il nous montre qu’il sait le lire, un 2ème stylo 4 couleurs, je lui dis qu’il peut en faire ce qu’il veut : le garder pour lui ou l’offrir à un ou une amie, un sachet de bonbons, je lui indique que comme cela il pourra en offrir à ses copains, copines, un savon parfumé et une robe pour sa grand-mère, 2 tee-shirts et un truc dont je ne sais même pas à quoi cela sert, mais que tous les enfants semblent avoir en France : un hand spinner : à la vue de ce jeu, Daurius se jette sur moi !!!  hé bien moi qui avais hésité, pensant que cette mode n’était certainement pas arrivée jusqu’à Madagascar, je m’étais bien trompée : il exulte, la grand-mère rit de le voir, tout le monde rit, cela fait du bien !! J’explique à la grand-mère que maintenant qu’elle a des réserves de riz, de sucre, 2 poules, elle doit moins s’inquiéter pour l’avenir et donc moins boire pour ce motif. Je lui demande son prénom : Augustine, le hasard est étrange : Yves et moi avons eu chacun une grand-mère qui s’appelait Augustine. Cela crée un lien de plus entre nous !! Nous sortons, il règne une atmosphère de fête qui contraste avec la pauvreté de ces maisonnettes en pisé délabré ; des gamins d’à côté sont là avec leur guitares, Daurius sort sa flûte  et nous prenons la photo de la journée : nous 4 et les petits voisins ; avant de partir, je prends des nouvelles en riant de Michèle et Yvette, les petits voisins connaissent déjà leurs noms !!! Nous partons le cœur léger car même si nous partons de Tana demain pour un voyage touristique, nous savons que nous revenons dans un mois pour une semaine où nous rencontrerons de nouveau les familles pour voir où en sont les difficultés auxquelles nous avons essayé d’apporter des solutions.

 

En remontant à Marohoho, Nathalie reçoit un coup de fil, une copine qui habite en bas de la ruelle principale du quartier fête son anniversaire et veut nous inviter à venir passer un moment. Quand nous arrivons, de la musique à fond, les hommes en train de discuter et de boire dans le jardin : c’est la fête. Nathalie m’entraîne tandis que Yves va avec les hommes. On danse comme des groupies, on s’amuse comme des folles, déjà qu’il faisait chaud dehors, on est en nage !!! Difficile d’imaginer qu’à 20 m de là, il y a une pauvreté terrible.  

 

28 10 17

 

Départ en 4X4 pour 4 semaines de vacances ; nous reviendrons ensuite pour une semaine à Marohoho dans le cadre APM avant de reprendre l’avion avec nos 8 valises et nos 4 sacs à dos !!

 

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28 11 17

 

…… Et puis nous retrouvons les embouteillages de l’entrée de Tananarive, les gaz d’échappement, les policiers coincés au milieu des carrefours, cernés de toute part et se servant de leur sifflet pour tenter en vain de faire quelque chose !! Et puis nous arrivons dans la rue qui borde Maroho, notre bidonville préféré. On s’y sent un peu comme chez nous, on redit bonjour à la manière d’ici (« Manaoana !!! ») et cela nous fait bien plaisir. Avec la forte imbrication des habitations les unes dans les autres, on retrouve les bruits des voisins, la musique dès les 1ères lueurs du jour, les odeurs de friture, de fatapère, d’égoût, les cocoricos des coqs et les aboiements des chiens à 5 mètres de notre tête la nuit (et le jour aussi, mais là on ne fait plus attention !!!). On se sent presque chez nous !!! On retrouve Toutou, son sens de l’accueil, son riz chéri et sa bonne cuisine, Nathalie et Gina et leur bonne humeur, les cuisinières et leur gentillesse, tout le monde et hop, notre mission reprend sur les chapeaux de roue !!!

 

29 11 17

 

On apprend de bonnes nouvelles d’une famille qu’on avait reçue avant de partir en voyage touristique où la fille ne voulait plus vivre chez sa mère, mais chez sa tante : la fille est retournée vivre chez sa maman. On avait malheureusement appris pendant notre voyage le décès dans la rizière de la mère de Sédra. Toutou et Gina sont allées à l’enterrement. Le père a 3 enfants : Sédra, déjà parrainé, un 2ème et des jumeaux. Il est envisagé exceptionnellement de faire parrainer les 2 enfants, alors qu’habituellement on n’en parraine qu’un par famille, de plus on se dit qu’il faut que ce soit une seule et même famille qui parraine les jumeaux pour qu’il y ait une cohésion dans l’aide apportée aux enfants par les parrains en terme de cadeaux, notamment.

 

Nous allons avec Nathalie retirer les livrets d’épargne que Pat et Yo distribueront dimanche aux enfants qui auront eu les meilleurs résultats scolaires. Nous allons dans un magasin d’épices, c’est le rêve !!! Nous repartons bien chargés !!! Retour à Marohoho, nous passons chez Nathalie voir les objets d’artisanat qu’elle a fabriqués ou qu’elle a fait venir d’amies à elle qui font également de l’artisanat. Puis nous allons acheter du riz pour chez Francia et pour chez Daurius. Comme on va être à la période de soudure où il n’y aura plus de récolte de riz avant longtemps, le prix est en train de monter. Nous allons chez Daurius porter le riz ; sa grand-mère Augustine est là avec une figure méconnaissable car elle a arrêté réduit sa consommation d’alcool. De fait elle a les yeux moins rouges, le visage moins bouffi. Elle nous montre les cahiers de Daurius et l’on voit qu’il travaille très bien et écrit très bien. Nous sommes avec Gina qui fait l’interprète et nous expliquons à la grand-mère que les résultats scolaires de Daurius qui se sont bien améliorés sont en relation directe avec ses efforts par rapport à l’alcool. Elle dit qu’elle en est consciente. Nous la félicitons chaleureusement, puis elle nous demande de lui payer un lit à échelle car elle dort avec Daurius et elle se plaint qu’il gigote beaucoup la nuit. Nous lui expliquons que nous envisageons de prendre à notre charge des travaux pour sa maison dont les coins de plusieurs des 4 murs qui sont en pisé s’écartent. Mais pour elle la priorité est le lit à échelle, nous lui disons que notre priorité à nous est la maison 

 

Bien sûr il se met à pleuvoir au début de notre visite et nous la prolongeons un peu en attendant qu’au moins il pleuve moins fort. Daurius entre temps a été prévenu que nous étions là et est arrivé, le sourire aux lèvres. Nous rediscutons des travaux pour que Daurius soit au courant, et cette fois-ci la grand-mère demande une radio. Nous lui expliquons que notre priorité n’est pas là et que nous ne sommes pas une banque et que je ne fabrique pas des billets comme une poule pond des œufs, je lui mime la scène en faisant semblant de couver et en me relevant et en montrant qu’il n’y a rien, on rit tous !!! J’avais choisi cet exemple parce qu’on lui avait offert 2 poules lors de la 1ère partie de notre séjour pour que Daurius et elle aient des œufs à manger.

 

En fait on avait eu avant des nouvelles de nos poules Yvette et Michèle qui sont mortes de maladie, peu de temps après notre départ. Quand Toutou a su cela, elle a acheté feues les poules pour la cantine et racheté 2 nouvelles poules !!! Donc Yvette et Michèle ont ressuscité !!!

 

Nous prenons congé sous un petit crachin breton, Augustine, la grand-mère de Daurius tient à nous raccompagner jusqu’au début de la grimpée qui va chez Toutou. Quand je vais pour lui dire au revoir en disant son prénom (Augustine), elle m’explique qu’ici tout le monde l’appelle Tine, mamie Tine et nous demande de l’appeler ainsi.

 

De retour chez Toutou, nous avons, Yo et moi, à chercher une chorégraphie sur un des chants de la fête de Noël qui se prépare d’arrache-pied : Debout les gars de Hugues Aufray. On improvise des gestes, par précaution on demande s’ils ne signifient pas quelque chose de particulier en malgache, on ne sait jamais !!!

 

30 11 2017

 

Grande discussion autour du suivi médical des enfants parrainés. Toutou a reçu le compte-rendu de la visite médicale annuelle des enfants. Le compte-rendu est très peu détaillé et il est à peu près le même d’une année sur l’autre. Il y est dit que beaucoup d’enfants ont une MST dont 90 % sont des filles. Aucune précision sur les types de MST, sur l’âge des enfants, leur nom, si c’est une MST congénitale ou non etc. Il est également mentionné l’hypocalcémie de tous les enfants et la malnutrition de certains sans donner ni leur nombre ni leur nom. L’équipe ici est contrariée du dernier point en raison des efforts qui sont faits au niveau des menus de la cantine et des programmes Nutriset. J’explique qu’il ne faut pas mal le prendre, que les résultats dans ce domaine sont à long terme et qu’il ne faut pas attendre un résultat immédiat ou dans les toutes premières semaines, mais que l’effort au niveau des menus est plus que louable et portera ses fruits. On découvre la note des médicaments !!! En fait le médecin ne délivre pas d’ordonnance mais note d’une écriture illisible le traitement dans le petit carnet qu’APM a acheté pour chaque enfant et qui sert de carnet de santé. C’est le médecin qui fournit les médicaments les plus courants et nous en donne ensuite la facture. On découvre que parfois la totalité du traitement est donnée par le médecin sur place et que l’enfant prend toute une semaine de traitement en une seule prise, parfois une semaine de 2 traitements différents !!! L’enfant peut également repartir avec les médicaments, mais comme il n’a pas d’ordonnance, on espère qu’il se rappelle la posologie que lui a indiquée le médecin !!

 

Les enfants sont reçus en consultation avec leur parent s’il a pu se déplacer ou seuls car le membre du comité médical APM qui les accompagne n’est pas autorisé à assister à la consultation. Il n’y a aucun suivi de la part du médecin, notamment en matière de MST et d’hypocalcémie. D’une année sur l’autre, MST et hypocalcémie sont notées sur le compte-rendu global sans que cela ne semble déranger le médecin.

 

Le fait qu’un enfant ait une MST est souvent mal vécu par les parents, ce qui peut les amener à ne pas vouloir que son enfant prenne le traitement qui est alors tout simplement jeté, une manière de refuser une réalité qui ne fait pas plaisir !! On ne parle pas des jeunes filles qui n’ont peut-être pas non plus envie que leur parent sache qu’elle a déjà une vie sexuelle active (la cause la plus fréquente d’une MST) et peuvent tout simplement jeter les médicaments pour ne pas alerter leurs parents.

 

Pat propose de revoir ce système qui coûte cher et ne fonctionne pas réellement. Un changement de médecin est envisagé, souhaité par de nombreux membres locaux d’APM. Il est envisagé que les médicaments puissent être donnés à la cantine le midi.

 

Nous allons voir Jean-Marc dans son établissement scolaire. C’est le garçon qui est né sans avant-bras et qui fait une formation de menuiserie. Il est heureux dans cette formation qu’il a lui-même choisie et nous montre comment il s’y prend pour scier une planche de bois.

 

Puis nous allons à l’école des Jeunes Pousses où nous avons plusieurs enfants parrainés. Il semble que cet établissement n’ait pas de très bons résultats. APM essaie d’y placer moins d’enfants, mais je pense que ce n’est pas facile du fait de la présence de proches dans le corps enseignant : Isabelle, la sœur de Toutou, y est institutrice et Gina, membre APM, travaille au collège Jeunes Pousses.  

 

Retour chez Toutou où nous voyons une jeune fille née comme Jean-Marc avec une malformation : sa jambe n’est pas complètement formée. On lui avait apporté le tissu qu’on met sous les plâtres pour placer entre sa prothèse et sa jambe, mais cela ne va pas. Elle le met en double épaisseur et cela tire-bouchonne un peu ; il faudrait peut-être qu’elle enfile un genre de chaussette fine qui aurait moins de chance de froncer, ou, comme elle fait des études de couture, qu’elle rétrécisse la chaussette à plâtre dans sa largeur avec une couleur fine qui ne la blesse pas.

 

Vient ensuite un garçon qui sort de chez l’ophtalmo avec une prescription de lunettes. On cherche avec lui dans les lunettes « périmées » qui ont été données à APM une monture qui lui convienne. Je suis contente car il repart avec une de mes vieilles paires de lunettes, ma bleue et noire !!!

 

Puis nous allons chez Nathalie pour récupérer les objets d’artisanat que nous rapporterons en France pour les revendre au bénéfice d’APM. Que de calculs pour arriver à rester dans notre budget de 250 €, nous réfléchissons pour garder ce qui se vendra le mieux et au meilleur prix. Nous achetons des colliers de pierre semi-précieuses (labradorite, coquillages poncés etc). Yoyo et moi avons l’impression d’être dans la caverne d’Ali Baba quand nous choisissons les colliers, de vraies petites filles !!!!

 

1 12 2017

 

Ce matin, visite de 3 écoles : Mellifée, Nomentsoa, Kettys. Partout nous sommes étonnés de la petitesse des salles de classe ; parfois 4 enfants sont assis sur une table qui devrait n’accueillir que 2 enfants. Les tables sont imbriquées les unes dans les autres, un peu comme des sardines dans une boîte, de sorte qu’une fois tout le monde assis, ceux de derrière doivent attendre que ceux de devant se lèvent et déplacent leur table pour pouvoir sortir. Cela nous alerte sur la contagion possible dès qu’un enfant malade va dans son établissement scolaire, d’une maladie bénigne à la peste !!! Ce qui nous frappe, c’est que les enfants écrivent dans leurs cahiers français. Sur les tableaux noirs, les panneaux d’affichage, tout est écrit en français !! L’école qui nous a le plus marqués est celle de Mellifée et sa directrice, une ancienne professeure de français qui a créé cette école pour les enfants pauvres car elle se rendait compte qu’ils ne pouvaient pas accéder à des écoles où l’on enseignait le français, alors que l’enseignement supérieur est en français et donc qu’ils ne pourraient pas y accéder ; elle voulait les faire sortir de ce cercle vicieux : pauvreté = pas d’enseignement en français = pas d’accès aux études supérieures = moins de chance pour sa vie professionnelle. Nous l’avons vivement félicitée et l’avons à nos yeux nommée ministre de l’éducation nationale malgache. En ce qui concerne les programmes, le fils de la directrice, directeur désormais, va sur les sites du ministère français de l’éducation nationale pour récupérer les programmes. Dans cette école, on sentait le peu de moyens, mais également une volonté inébranlable de redonner une chance à ceux qui n’en avaient guère. Nathalie nous dira ensuite qu’en tant que parrains nous pouvons demander à ce que notre filleul aille dans telle ou telle école. Après avoir demandé son avis à Daurius, nous décidons que nous ferons donc une demande à APM pour que Daurius aille à la rentrée 2018 2019 à Mellifée.

 

Nous allons voir les travaux de la maison de Daurius, mais sans interprète, ce fut un peu difficile. Touky n’a pas acheté la bonne longueur de tôle ondulée pour couvrir le toit et il a fallu récupérer de la tôle de l’ancienne couverture pour finir, c’est dommage !!

 

On avait demandé à Toutou s’il était possible que le maçon chiffre le prix d’une dalle de béton car le sol de chez Daurius est en terre battue et sa maison est inondée quand il y a des crues. Il est passé et a annoncé un chiffre qui nous permet de la prendre en charge tout de suite et pas au printemps comme on l’envisageait. Donc on donne notre feu vert, ravis ; bon bien sûr comme très souvent il y aura incompréhension et on découvrira le lendemain que le chiffre annoncé ne comportait pas la main d’œuvre !!! Cela aura été souvent le cas pendant notre voyage, notre guide nous avait dit que le non n’existe pas en malgache, et très souvent lorsque l’on aura posé une question, on comprendra que la réponse qu’on avait comprise n’est pas tout à fait voire pas du tout la bonne car on n’aura pas parlé tout à fait de la même chose et on ne s’en rendra compte qu’après !!! Petit exemple : Gina nous dit qu’elle est fille unique, bien, une minute après elle nous parle de son frère, on ne comprend plus rien !!! Mais il n’y avait pas d’erreur dans sa réponse : fille unique signifie que ses parents n’ont pas eu d’autre fille qu’elle !!!! Et ces écarts de compréhension sont très fréquents !!!!

 

2 11 17

 

Ce matin, répétition avec les enfants du spectacle de Noël : c’est déjà la fête !!! Il y a de la musique, ça swingue et même ceux qui ne sont pas « sur scène » (la scène étant la cour !!) dansent aussi !!! C’est un bon moment !!! Lorsqu’arrive le tour de la chanson d’Hugues Aufray, Yoyo et moi leur apprenons la chorégraphie que nous avons inventée !!! On s’amuse dur !!! Comme j’avais adoré une chanson dont j’avais vu le clip avec Nathalie, elle l’a incluse dans le programme, et j’essaie de suivre !!! Puis les enfants rentrent dans la cantine, répètent des chants, dont Petit Papa Noël. Puis on assure le suivi poids en pesant ceux des enfants qui ne l’ont pas encore été. Pendant tout ce temps, les travaux continuent chez Daurius. Je monte sur la terrasse de Toutou pour prendre une photo des travaux, et tout d’un coup, je vois qu’une tôle rentre dans la partie droite de l’ensemble de maisons en pisé. 20 secondes avant ou après, je n’aurais rien vu !!! En allant chez Daurius plus tard, on comptera les tôles sur le toit et on verra bien qu’il en manque une. Le maçon va devoir rendre des comptes à Toutou car il aurait pu couper la tôle manquante en 5 parties de 60 cm qu’il aurait pu mettre au bout des tôles de 3 m, car là c’est moche dehors déjà, mais surtout à l’intérieur de chez Daurius où dans leur pièce unique, vu donc du dessous, (car il n’y a pas de plafond), on a la moitié en tôles flambant neuves et l’autre moitié en vieille tôle rouillées.

 

3 12 2017

 

C’est l’avant-dernier jour de notre voyage, un dimanche, et selon la coutume, semble-t-il, Pat, Y, Yves et moi offrons un repas à tous les enfants parrainés et à tous les membres d’APM. Au départ nous avions eu un peu peur du coût total, mais finalement compte tenu du change qui nous est favorable, cela ne représentera pas une somme excessive. Alors que le repas a lieu à midi, les enfants sont là de bonne heure et en profitent pour jouer dans la cour. Le plat de résistance sera du zébu avec du riz et en dessert une mangue, fruit que les enfants n’ont pas souvent la possibilité de manger, surtout une entière !!! Les filles les plus grandes aident et découpent les oignons/échalottes, l’ail qu’elles râpent ensuite et le gingembre. Yoyo et Ginah coupent la viande (de la cuisse et de la côte de mouton), j’égraine le poivre vert frais puis Ginah me demande de nettoyer le paquet de thym frais. Sa demande m’étonne un peu, mais quand je regarde l’eau du 1er trempage, j’en comprends la nécessité : l’eau est incroyablement boueuse. Je ne sais pas d’où vient ce thym, parex à Marohoho, il n’y a pas de traitement des eaux usées : tout dévale la colline dans des caniveaux à ciel ouvert au milieu ou sur le côté de la rue qu’APM a fait bétonner sur une partie et arrive dans la rizière et les cultures en bas !!

 

On s’informe bien avec Yoyo de la recette pour pouvoir la refaire !!! Ce sera excellent !!! Pendant qu’on est dans la cuisine, on voit le ballet des parents des enfants parrainés qui viennent apporter un bidon d’eau, comme cela leur est demandé en contre partie de la cantine du midi pour leurs enfants. Car il n’y a pas d’eau courante à la cantine, pas plus que d’électricité. Il y a un énorme bidon plastique d’eau qui trône dans la cuisine et dans lequel onpuise avec un seau.

 

Alors que tout mijote, les grandes se réunissent pour nous parler des consultations médicales annuelles dont elles viennent de bénéficier. Bénéficier est un terme cocasse au regard de ce qu’elles nous expliquent et que nous ignorions : chaque consultation, payée plein tarif, n’a pas duré plus de 5 minutes ; à la suite d’un simple questionnement, sans aucun examen gynéco, ni bactériologique, elles ont été étiquetées porteuses de MST et ont dû prendre sur le champ 4 comprimés (pour 6 facturés !!!), soit 4 jours de traitement en une seule prise !!!! qui leur ont naturellement causé des effets secondaires importants (vomissements, fièvre etc). Pour le médecin, pertes vaginales signifie MST !!! L’une d’entre elles qui déclarait ne pas avoir eu de relations sexuelles s’est trouvée obligée de prendre le traitement de MST car le médecin, une femme qui plus est, n’a pas voulu croire qu’elle soit abstinente à son âge !!! Bien sûr aucun conseil de prévention n’a été donné par le médecin concernant l’hygiène intime ni la contraception. Le médecin n’a pas non plus demandé à les revoir pour le suivi de ces MST théoriques !!! C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase après la réception du rapport de suivi plus que succinct que ce médecin vient de nous envoyer. On décide que ça va changer !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 

Début de la fête, au moment où la remise des livrets de caisse d’épargne aux meilleurs élèves, l’une d’elles arrive avec sa maman : son père vient de mourir dans la nuit : il est allé la veille boire chez des amis et il lui aurait été glissé du poison dans le verre (cette pratique n’étonne personne à part nous français). Pauvre petite et pauvre maman.

 

On remarquera que pendant nos 6 semaines de voyage, il y aura eu 3 décès, on meurt beaucoup à Mada.

 

Tout le monde est dans la cour de la cantine, il ne pleut pas, et la « cérémonie » peut commencer !!! Grand moment quand Pat et Yo lisent les noms sur les livrets avant leur remise, suivi d’échange de livrets ensuite quand les enfants l’ouvriront et verront que le nom n’est pas le leur !!!! Hé oui, le malgache ne se prononce pas comme le français, de plus les noms dans les livrets ont été écrits à la main !! ! Cela ajoute une touche à la bonne humeur !!! Dans les discours, notamment celui de Pat, chacun insistera sur l’effort qui est demandé par APM et les parrains et marraines, gage d’un futur métier qui permette de gagner sa vie après. De nombreuses fois pendant notre séjour, nous redirons que le meilleur cadeau à offrir aux parrains et marraines, c’est un bon travail scolaire et un bon comportement.

 

Après le repas, on passe aux choses sérieuses avec la réunion avec les membres APM Mada. Nous ne les connaissions pas tous. On aurait souhaité que chacun dise son rôle au sein d’APM, mais cela ne se passe pas ainsi Nous trouvons une équipe sérieuse, volontaire, ce dont nous ne doutions pas, et que notre présence ici motive encore plus. Pat dit à quel point nous repartons tous quatre boostés et avec une bien meilleure compréhension des problèmes après avoir « baigné » dans Marohoho et dans tout Mada pendant un mois et demi. Des points intéressants sont soulevés, qui demandent une étude comme

 

-des frais de transport pour un enfant handicapé pour lequel la dotation trimestrielle n’est plus suffisante

 

-l’impossibilité de s’acheter des médicaments et donc de se soigner qui a conduit un parent à perdre son emploi

 

-l’injustice et la jalousie qui peuvent être ressenties par certains parents qui n’auront pas osé demander une aide APM pour monter une micro-entreprise

 

-le fait que jusqu’à présent les micro-entreprises créées avec l’aide d’APM n’ont guère réussi

 

-Nathalie, infatigable, a pris contact avec l’OSTIE, un groupement médical qui propose contre une cotisation une prise en charge des frais médicaux et tout un système de consultations, un genre de sécurité sociale + mutuelle + prestations nature

 

 Concernant les projets de toute sorte qui sont envoyés à APM France, Pat réinsiste sur le fait qu’il faut chaque fois une explication de la problématique et un devis voire plusieurs.

 

Un bon échange et une conclusion : APM France ne pourrait rien sans l’équipe d’APM Mada et réciproquemen. Un des principaux problèmes d’APM est la récolte de finances ; heureusement le change qui nous est favorable nous donne des moyens que nous n’aurions pas pour des actions similaires dans un pays à monnaie forte, (qui n’aurait de fait pas les problèmes de Mada !!).

 

Et puis chacun va repartir « boosté comme pas possible », qui à Maroho, qui en France le lendemain !!!!

 

 4 12 18

 

Le dernier jour est arrivé ; nous avons encore une mission : celle d’aller voir le lycée technique Ampefiloha (LTA) qui enseigne le tourisme, l’hôtellerie, l’habillement et la céramique ; il a été dirigé par Mr Emile, un membre d’APM Mada, qui nous accompagne. Nous y avons 7 enfants parrainés répartis sur les 3 classes de la section hôtellerie. Comme Pat explique le rôle d’APM, nous repartons avec 2 demandes de parrainage !!! Dans chaque établissement scolaire visité, nous aurons vu que notre visite est appréciée, les enseignants se sentent honorés par notre visite et comme pour l’équipe locale d’APM notre présence semble valoriser leur travail et leur indiquer que leur action va dans le bon sens.

 

Retour chez Toutou pour un dernier repas de midi où elle nous a préparé ce que je lui avais demandé de faire avant qu’on parte : un plat avec des feuilles de manioc broyés, il fallait bien qu’on y goûte avant de partir depuis qu’on se demandait ce que c’était chaque fois qu’on voyait ce broyat en vente dans les petites boutiques du boulevard au dessus de Marohoho !! Maintenant que nous allons partir et surtout après la journée de dimanche où l’on a vu tous les enfants APM, et pas seulement ceux de la cantine, quand on va sur le boulevard, on se fait interpeler par plein de personnes qui nous connaissent, c’est sympa !!! Que cela va faire drôle de quitter tout ça !!

 

On fait les valises perso, les valises avec l’artisanat à vendre en France étaient déjà bouclées depuis quelques jours. Toutou nous fait manger un goûter/repas avec du misao à 16h30(on adore ce plat de spaghettis aux légumes), dernière mangue, derniers litchis !!! Le taxi est là, 8 valises et 4 sacs à dos pour 4 personnes, plus les amis qui nous raccompagnent à l’aéroport, 1H30 de route et puis il faut se quitter, c’est dur ; bien que la peste soit enrayée, il n’y a que les voyageurs qui peuvent entrer dans l’aéroport, les garçons sont déjà partis aux guichets d’enregistrement que nous les filles on continue à se serrer dans les bras et à pleurer !!!

 

Pour ma part, je repars avec l’impression d’avoir eu le rôle d’une goutte d’eau dans la mer, mais parallèlement celle d’avoir à nous 4 fait se déplacer des montagnes qui n’attendaient que ça : l’équipe APM locale est à notre départ motivée comme pas possible, mais est également emprunte de cet esprit malgache : mora, mora. La tâche est tellement vaste pour des bénévoles dont une bonne partie travaille encore et les problèmes sont si importants que parfois des actions qui pour nous seraient faites du jour au lendemain peuvent traîner sans que personne ne s’en inquiète. J’ai eu le sentiment qu’avec notre position occidentale, nos questions et nos demandes, parfois innocents, ainsi que notre venue les a boostés au quotidien de la même façon que ce séjour nous rend motivés comme pas possible pour continuer à rechercher des moyens, des solutions

 

Pendant tout ce séjour, j’aurai senti à quel point APM Mada distribue autant d’aide matérielle que d’écoute et d’amour et les enfants parrainés ne s’y trompent pas : parfois leur visage est sombre quand ils arrivent à la cantine ou chez Toutou, mais ensuite ils sont enveloppés dans une douce étoffe de chaleur humaine qui leur redonne de la force pour faire face au quotidien. Pour la plupart des enfants parrainés, APM est une seconde famille.

 

5 12 17

 

Nous voici en France, orphelins de Mada, comme disent nos hommes : on a les pieds en France, mais la tête encore là-bas !!!

 

 

 

 

 

fatapère : réchaud communément utilisé qui fonctionne au charbon de bois, le gaz étant trop cher

 

misao : délicieux s paghettis accompagnés de lanières de légumes cuits

 

manaouna, salame : boujour

 

misaotra : merci

 

undebe : adulte

 

ankisi : enfant adolescent

 

tsarabé : c’est bien, c’est bon, ça va

 

tsara ? : est-ce bien, est-ce bon ?

 

veloma : au revoir

 

Le vasaha est le mot qui désigne l’étranger, le français, le blanc. Historiquement quand les français se sont installés à Tananarive, ils ont habité au bas des collines. Le roi envoyait un guetteur les épier et voir ce qui se passait. Il rapportait ensuite au roi ce qu’il avait vu (vasaha)